jeudi 5 mai 2016

Les marmites de Lalla Zahra

 les marmites de lalla zahra

la place riad alarouss est un carrefour où convergent
cinq artères à travers lesquelles l'on peut atteindre
toutes les portes de la médina de Marrakech,
tous les centres commerciaux,
et principalement souk sammarine,
toutes les mosquées et notamment la koutoubia.
cette place peut aussi nous mener vers les sept saints de la ville.
l'artère qui conduit vers bab doukkala permet de déboucher
vers la ville dite "européenne à l'époque coloniale".
l'artère qui mène vers la place jamae fna,
permet, elle aussi de nous conduire vers
"la ville européenne" par le biais de "l'avenue mangin",
l'actuelle avenue mohamed V.
l'origine de riad alarouss remonte probablement à l'époque de la dynastie almohade.
il est aussi probable que l'un des septs saints,
du nom de abou amr el malqi, ou en langage courant,
sidi bouemer, est le fondateur de tout le quartier
qui, du reste porte le nom de ce saint:
la mosquée, le mausolée, la fontaine.
le quartier riad alarouss a évolué depuis sa création;
il a aussi subit des transformations
et surtout des dégradations.
000
lalla zahra est une femme très réputée à riad alarouss
par le commerce qu'elle exerce;
elle vent des soupes, bien sûr traditionnelles, dites hariras,
à base de céréales: blé, orge et maïs.
chaque matin, lalla zahra s'installe
en face de la fontaine riad alarouss,
un merveilleux monument de style andalous
qui abrite trois fontaines;
l'une des trois fontaines est reservée
aux besoins en eau potable des personnes et des foyers,
la seconde pour les chevaux et les calèches,
et la dernière pour les mulets, les ânes et les charrettes.
l'eau puisée des fontaines est gratuite,
garantie par le waqf créé par abou amr elmalqi.
chaque matin à l'aube, lalla zahra s'installe à proximité du cimetière
qui porte le nom de sidi bouameur
et auquel elle tourne le dos.
le cimetière est limité par une clôture en pisée,
pas plus haute d'un mètre.
la mousse des temps a complètement ravagé cette clôture.
lalla zahra a choisit cet endroit stratégique, en face des fontaines;
elle contrôle ainsi le trafic routier qui emprunte le carrefour.
elle s'assoie sur un banc en bois fabriqué à la mesure de sa corpulence.
c'est que lalla zahra, la cinquante d'âge bien consommée,
est une femme forte, bien charpentée et bien bâtie.
elle est originaire de foum lahcen,
à l'extrême limite de la région de dràa.
ses ancêtres font partie de la tribu touareg, appelés hommes bleus.
d'ailleurs la tenue vestimentaire de lalla zahra est significative:
l'ensemble des vêtements sont de couleur
variant du bleu nuit au bleu ciel;
les ficelles d'attache sont d'un bleu foncé;
les articles d'embellissement sont en argent massif.
lalla zahra porte de gros bracelets en argent.
elle porte aussi des anneaux du même métal qui lui traversent
les oreilles par deux trous que le temps a bien élargis.
les traits du visage de lalla zahra sont bien ciselés;
ils sont mis en relief par des cosmétiques traditionnels,
le khol noir couvre les cils en débordant sur les paupières;
la souaka donne aux lèvres charnues un teint chocolat foncé;
sa poitrine est bien remplie obligeant les vêtements
de dessiner les seins en dévoilant leur contour.
le regard de lalla zahra, perçant comme celui d'une louve,
attirant comme celui d'une fée, impose néanmoins un respect
qui la protège des regards indiscrets.
lalla zahra est très respectée par la gente du quartier
sidi bouameur et par les passants qui animent le carrefour.
000
lalla zahra place trois marmites devant elle, à portée de main;
chaque marmite est stabilisée sur un brasier
dont le feu de charbon de bois permet de maintenir les soupes à chaud.
la marmite qui renferme la harira de blé est installée au centre,
les deux autres sont placées de part et d'autre de la marmite centrale.
celle qui contient la soupe d'orge se trouve à droite,
et celle qui renferme la soupe de maïs à gauche.
au-delà des marmites, deux bancs en bois sont allongés,
permettant à un nombre limité de clients de s'assoir 
pour boire tranquillement leur soupe préférée;
les autres consommateurs restent debout,
en formant un arc de cercle, derrière les bancs.
à droite des marmites, se trouve un seau rempli d'eau
qui sert au lavage des bols en terre cuite;
à gauche, un second seau contient de l'eau propre
que lalla zahra ajoute chaque fois que le niveau de la soupe
dans une marmite diminue d'une manière notable ;
en même temps lalla zahra ajoute de la farine, de l'huile d'olive
et des ingrédients, sel, cumin, piment rouge et poivre
afin de respecter le dosage et faire garder à la soupe son onctuosité
et son goût tellement appréciés par les clients fidèles
qui viennent de tous bords, chaque matin à partir de l'aube,
afin de se délecter de ce breuvage délicieux.
lalla zahra se sert de grandes louches pour remplir les bols.
un seul coup de louche suffit pour remplir un bol
que lalla zahra tend à l'un des clients.
elle peut y ajouter une cuillerée d'huile d'olive supplémentaire
à la demande de certains clients.
000
à cette époque, je fréquente l'école du pacha, en compagnie
d'un groupe d'élèves, une dizaine de bambins environs.
le trajet à pieds est agréable, car l'artère fréquentée,
du quartier arst ihiri à l'école, via riad alarouss, est très animée
par le trafic intense des piétons, des charrettes, des calèches;
les véhicules automobiles sont peu utilisés,
ainsi que les vélos dont la jante est entourée par un bandage
à base de rondelles en caoutchouc.
quand notre groupe atteind le carrefour,
il s"empresse d'aller chez lalla zahra pour goûter à ses soupes.
moi personnellement j'aime la harira de farine de blé;
elle contient des fèves et des pois-chiches: c'est un délice!!!
le ventre bien plein, nous prenons le chemin de l'école,
en pressant le pas pour ne pas arriver en retard.
000
durant tout le parcours de ma vie,
je n'ai jamais oublié lalla zahra et ses marmites.
je garde en moi encore, avec une certaine nostalgie,
l'image ancrée des cette époque inoubliable.
hamid albachir almakki
21juin 2010


mercredi 4 mai 2016

Un oncle pas comme les autres

 un oncle pas comme les autres

  en octobre 1947,
j'avais fait ma première rencontre
avec mon oncle paternel
rahal.
c'était un demi-frère de mon père,
du côté maternel.
il était plus âgé que lui.
entre les deux, il y avait une soeur et un frère,
ces derniers étaient frangins à mon père.
à titre  complémentaire,
mon père avait, du côté paternel,
deux demi-frères et une demi-soeur.
rahal avait une frangine plus âgée que lui.
jusqu'à l'âge de deux ans et demi, 
j'avais passé ma première enfance, à la maison,
 vivant dans un espace familial totalement féminin,
composé de ma mère, d'une tante maternelle,
d'une autre paternelle et sa fille orpheline de père, 
 de ma soeur halima qui allait nous quitter
 en cette fin de ma première enfance.
mon père était tenu de partir à son travail 
dès les premières lueurs de l'aube.
il n'en revenait qu'après le crépuscule.
à l'époque coloniale, le travail dans le secteur industriel
n'était pas bien réglementé par la législation.
ceci étant, il arrivait que mon père quittait ma ville natale,
pour aller travailler ailleurs durant des mois consécutifs,
probablement pour améliorer sa situation matérielle.
c'était ainsi que sa présence était réduite
à sa plus simple expression.
mais cette absence momentanée ne dérangeait en rien
le pouvoir paternel qui maîtrisait le foyer
matériellement et moralement.
tous les membres de la famille lui exprimaient
amour, respect.
dans le cadre de cet article, je baisse le rideau
sur tout ce que je viens de citer,
pour ne m'intéresser que de mon oncle rahal.
après avoir passé plus de deux ans à l'école coranique,
apprenant à lire et à écrire les premières sourates du Saint Coran,
j'avais intégré une sorte d'école publique, l'école du pacha. 
 c'était en octobre 1947,
j'avais à peine cinq ans.
ma soeur halima fut décédée bien avant cette date,
ce qui provoqua un grand chagrin dans mon petit coeur,
et une profonde tristesse au sein de ma famille,
surtout ma mère qui avait auparavent
perdu une fille et deux garçons.
mais Allah le tout Puissant offra un beau garçon que mon père
baptisa abdelaziz, un vrai rayon de lumière
qui avait dissipé et mon chagrin et la tristesse de ma mère.  
 le but de mon transfert vers une école publique
était pour me permettre d'apprendre le français,
en même temps que l'arabe.
cette école était bilingue,
 dirigée par un corps enseignant français.
au fait, le bilinguisme n'était qu'une façade.
la langue française était prédominante.
c'était la première fois que je me trouvais
en face de cette langue, signe imposant de la présence coloniale.
au début, c'était pratiquement du charabia pour moi.
mais je sentais, malgré mon très jeune âge
que le maître, ainsi qu'on nous avait appris de l'appeler,
 tenait avec acharnement, 
à nous enseigner la langue de l'Empire. 
il était très gentil avec les écoliers.
je captais cette gentillesse par le sourire qu'il nous distribuait,
par sa voix douce et musicale quoique un peu grave.
par sa gestuelle agréable qui te donnait envie d'apprendre,
et apprendre vite, comme pour récompenser les efforts de ce bonhomme
aux cheveux blonds et aux yeux bleus.
dès la fin de la première semaine,
toute la classe commençait par répéter les comptines
que notre maître nous apprenait.
 en ce qui concernait la langue arabe,
un vieux fkih nous enseignait les premières sourates du Saint Coran,
à la toute dernière heure de la  journée.
je n'en avais gardé en mémoire que sa djellaba grise,
ses babouches jaunes et son visage tout blême.
le fkih "tait très peu causeur avec nous les petits écoliers.
il se contentait de nous apprendre par coeur les sourates.
 je n'avais pris conscience de cette pédagogie à double faces
que bien après avoir quitté cette école.
 à l'époque, j'étais trop jeune pour pouvoir
pratiquer le chemin de la maison jusqu'à l'école.
mon père ne pouvait pas m'accompagner,
car il se rendait chaque jour au lieu de son travail,
deux heures avant l'ouverture de l'école.
les femmes étaient casanières,
ne quittant le foyer qu'en compagnie du père ou du mari,
par conséquent aucune femme de mon foyer
ne pouvait me conduire à l'école.
mon père avait donc trouvé la solution de me confier
à mon oncle rahal qui, d'un côté, il était encore célibataire,
et de l'autre, il vivait avec nous, 
depuis le jour où mon père l'amena avec lui de la campagne.
chaque matin, ma mère me préparait avec soin avant le départ à l'école.
elle me confiait ensuite à mon oncle rahal, 
à qui elle remettait mon petit cartable en cuir.
dès le seuil de la porte de notre maison, mon oncle me soulevait,
et me plaçait sur ses épaules, en me serrant le dos d'une main,
contre sa nuque, et de l'autre main, il tenait le cartable.
mon oncle était long de taille,
environs un mètre quatre-vingts-dix,
il était fort et vigoureux.
il affichait une expression de visage extraordinaire:
un visage ouvert, souriant et agréable, 
vis à vis des personnes qui lui étaient familières,
au contraire, un visage fermé, sérieux et sévère,
en face des personnes étrangères.
je me sentais en sécurité quand il me plaçait sur ses épaules.
tout au long du chemin, j'observais, d'en haut, les scènes de la ville.
les charrettes tirées par des mulets ou des chevaux,
des fiacres vides ou occupés par des personnes plus ou moins âgées,
des ânes avec leurs charges,
des porteurs qui transportaient sur leur dos des sacs,
chargés de je ne savais quoi, probablement de marchandises,
rarement des chameaux ou des bicyclettes,
mais beaucoup de passants qui se rendaient aux souks de la médina.
quand je m'approchais de l'école, j'observais les écoliers
qui se déplaçaient à pieds, d'un pas nonchalant;
je me sentais tout heureux de les voir en dessous de mes pieds.
à l'arrivée devant la porte de l'école, mon oncle ne me lâchait pas;
il attendait à ce que la cloche sonnait,
et qu'elle s'ouvrait,
pour me déposer par terre et me remettre au surveillant.
il restait devant l'école jusqu'à ce que la cloche sonnait pour la seconde fois.
puis il disparaissait jusqu'à midi.
quand la cloche sonnait et la porte de l'école s'ouvrait,
mon oncle me récupérait,
me faisait traverser la rue;
et à quelque mètres de marche, il frappait à une porte.
une bonne femme ouvrait et me faisait introduire chez-elle.
c'était là où je prenais mon déjeuner.
cette femme était l'épouse d'un ami à mon père.
mon père avait trouvé cette solution pratique
pour me faire éviter de faire l'aller et retour deux fois par jour.
quand la cloche de l'école sonnait à deux heures de l'après-midi,
mon oncle venait pour me récupérer de ma pension,
et me conduisait à l'école.
le soir à la fermeture de l'école, vers cinq heures,
mon oncle se pointait devant la porte de l'école.
 il me plaçait sur ses épaules,
ce siège très confortable
qui m'était très cher,
et qui restait, reste encore, 
et restera toujours gravé à jamais dans ma mémoire profonde.
il pratiquait le même chemin de retour.
quand il frappait à la porte de notre maison,
la plupart du temps, c'était ma tante maternelle
qui ouvrait et me récupérait du haut des épaules de mon oncle.
je me souviens bien, qu'un beau matin d'un jour férié,
mon oncle m'avait transporté sur ses épaules,
jusqu'à la place de jamae elfna.
c'était la première fois que je découvrais
cette vaste place pleine de spectacles de toutes sortes.
j'étais émerveillé, surtout que j'observais, 
du haut des épaules de mon oncle,
les gens, les animaux, les choses.
pour la première fois de ma vie,
j'avais vu des serpents de différentes couleurs et longueurs;
j'avais vu aussi des gnawas qui dansaient, sautaient,
sur un rythme musical qui incitait à partager leur spectacle. 
à mon retour à la maison, je n'avais pas cessé de raconter,
à ma mère, mes deux tantes, à ma cousine et mon petit frère,
 ce que j'avais vu pour durant la matinée.
la relation affective qui m'avait lié avec mon oncle,
depuis cette époque, avait duré jusqu'à sa mort.
elle était très forte et très solide.
plusieurs années s'étaient écoulées.
au moment où mon oncle agonisait,
 j'étais tout près de son chevet;
il s'apprêtait à rendre l'âme.
parmi mes oncles et tantes paternels,
il était le dernier à nous avoir quitté.
allongé sur son dot, la tête sur un oreiller,
entouré de ses enfants, garçons et filles,
dont certains étaient mariés et avaient des enfants.
il était calme et ne souffrait pas,
ne gémissait pas;
son regard balançait entre le visage de mon père,
comme pour puiser de lui un peu de force,
et mon propre visage, comme pour me signifier
qu'il était fier de moi.
moi, je pleurais en silence.
je savais que j'allais me séparer d'un oncle...
pas comme les autres.
à suivre
hamid albachir almakki
juin 2011



Pieds croisés bras croisée

Pieds croisés bras croisés

Civilisation du dot et Civilisation du berceau
Éducation à pieds croisés et Éducation à bras croisés
durant toute ma vie de créature bicéphale
c'est-à-dire, un être à deux têtes:
une tête orientale, et une seconde occidentale.
la première me souffle: croise les pieds;
la seconde réplique: croise les bras.
d'ailleurs durant mon enfance, quand mon père m'a inscrit
à l'école du tableau noir et des pupitres,
je n'ai pas coupé court avec la tablette en bois et les nattes;
à l'école du crayon de bois que l'on taille avec un canif,, le taille-crayon, à l'époque n'est pas encore inventé,
et souvent, au lieu de tailler le crayon,
on taille à la place, l'index ou le pouce,
çà dépend si on est droitier ou gaucher.
il est de même à l'école du crayon de roseau,
celui-ci est taillé par le maître, 
ou à défaut par un grand élève,
car c'est tout un savoir faire.
mais souvent les petits élèves ont hâte de grandir,
et ils taillent maladroitement le crayon de roseau,
et du coup ils se font couper le doigt.
alors pleurer c'est normal.
mais avec l'habitude, on empêche les larmes de couler,
pour montrer qu'on est un gars courageux.
la bicéphalie va s'aggraver encore plus,
au sein de l'école des pupitres:
la matinée, on enseigne le français,
avec un livre qui se lit de gauche à droite,
l'on écrit sur un cahier dont le quadrillage
est conçu pour les lettres latines,
l'écriture se fait à l'aide d'une plume qui,
sous la pression, s'ouvre pour donner aux lettres,
un corps gras, et deux extrémités fines.
l'après-midi, c'est le tour de l'arabe,
et s'est totalement l'opposé de la matinée,
le livre se lit de droite à gauche,
le cahier a un quadrillage différent de celui du français,
il est conçu pour recevoir les lettres arabes,
celles-ci doivent garder la même épaisseur.
donc c'est une autre plume qui exécute la besogne.
durant la matinée, l'expression orale en français
met les sons gutturaux en résidence surveillée;
et l'on doit bien prononcer la lettre R!
pour cela, il faut bien faire attention!
si l'instituteur est du langue d'oc,
et bien, tâchez de prononcer Gh,
maintenant si l'instituteur est du langue d'oil,
il faut bien rrrouler le R!
parmi les lettres qu'on a du mal à prononcer,
c'est le U qu'on prononce OU;
dommage qu'on a pas d'instituteurs wallons!
notre instituteur a la peau blanche, les joues roses,
les cheveux blonds et les yeux bleus.
un jour il se met à chanter, devant nous:
"auprès de ma blonde, il fait bon, fait bon".
et il nous dit: 
"je vais vous apprendre à chanter en chorale,
c'est efficace pour apprendre 
à parler vite et bien le français.
allez! un, deux, trois! 
chantez tous ensemble!
auprès de ma blonde, il fait bon, fait bon!!!"
et un élève de demander:
" monsieur! monsieur!
c'est quoi une blonde? 
çà ressemble à quoi?
c'est un animale de la basse-cour?
c'est un poisson? ou c'est une fauve?"
il faut dire que cet élève parle relativement bien le français,
car son père est infirmier à l'hôpital Mauchand
actuellement, connu sous le nom de hôpital Ibn Zohr.
l'instituteur réplique pour corriger:
" mais mon petit, 
la plupart des femmes du nord de l'Europe
sont blondes, la couleur de leurs cheveux
ressemble aux épies de blé lors des moissons"
" mais où se trouve l'Europe, monsieur?"
demande un autre élève dont le père est facteur;
l'instituteur, pour mettre fin à cette discussion, répond:
" si vous travaillez bien en classe,
et vous passez aux classes supérieures,
quand vous serez grands, et bien sûr méritants,
vous irez en France, et vous rencontrerez
partout plein de filles blondes!
maintenant, répétez après moi:
" auprès de ma blonde ..."
en guise de conclusion, et pour rejoindre le titre de cet article,
pourquoi à l'école traditionnelle de l'époque on croise les pieds,
et à l'école moderne, on croise les bras?
il n'y a pas de secret, et ce n'est pas non plus une énigme,
mais c'est à vous de trouver.
bonsoir
  hamidalbachir
le 07/06/09

Ecole coranique Sidi Messoud

Ecole coranique Sidi Messoud 

La mosquée Sidi Messoud est située sur l'artère passante
qui relit Bab Doukkala à Riad Laarousse.
Elle se trouve en face du marabout Sidi Messoud 
et son cimetière.
Quand j'ai présenté le récit de ma petite soeur Halima,
j'ai relaté que sa tombe se trouve au cimetière Sidi Messoud.
Le quartier Arst Ihiri qui comprend le tombeau Sidi Messoud, le cimetière et la mosquée,
fait partie d'un ensemble d'extension 
de la médina de Marrakech.
Sa création ne devrait pas être ancienne.
Il est située entre les remparts
et le quartier Bab Doukkala. 
Il faisait partie d'une ceinture verte
qui desservait la médina 
en légumes, fruits, viandes et produits laitiers,
au cas où la ville se trouvait assiégée
par des envahisseurs.
L'urbanisation de Arst Ihiri ne devrait pas être antérieure
à l'avènement de la dynastie alaouite.
Le mode de financement des mosquées était de cinq sortes: 
* la mosquée fondée par un souverain,
* celle fondée par un vizir,
* celle financée par un notable,
* celle financée par une confrérie,
* enfin celle construite par un groupe d'habitants.
D'un autre point de vue, les mosquées diffèrent
par l'espace qu'elles occupent,
la complexité architecturale,
la richesse des revêtements décoratifs,
la composition des terrasses et leurs formes.
Elles diffèrent aussi par la nature 
et la qualité des tapis au sol.
La mosquée de prestige est un ouvrage très imposant
par ses dimensions, son espace et sa situation; 
les voûtes et vousseaux sont
supportés par des piliers et arcades;
les koubbas sont en boiserie vernie dite chqar,
souvent ciselée, 
les arcades sont revêtues de plâtre ciselé, 
les piliers sont, soit en pierres granitiques 
en forme de cylindre,
soit en colonnes de marbre, 
basées sur un socle souvent carré,
et terminées par un chapiteau à la naissance des arcades.
les lustres pendent chacun 
d'une rosace centrale d'une koubba,
l'ensemble est aligné selon les deux axes 
de symétrie des files de piliers.
le mihrab, sorte de cavité dans la muraille de la mosquée,
indique l'orientation vers la mekke, 
il a aussi une fonction de sécurité pour l'imam 
qui dirige la prière, 
surtout si celui-ci occupe une fonction 
administrative ou religieuse. 
Le mihrab est conçu avec le maximum de soin 
en architecture et en décoration.
L'arcade est souvent une ogive, 
résultat de l'intersection de deux arcs de cercle.
Les terrasses sont en pans inclinés revêtus de tuiles vertes
pour permettre aux pluies de couler vers le sol,
Elles sont revêtues soit de dess, 
un dallage en mortier constitué de chaux et d'argile, 
soit en bajmate fabriqué en terre cuite couleur nature, 
ou recevant, entre deux cuissons, un vernis coloré.
L'assemblage des éléments de bajmate 
est effectué à la main pour former
des lignes brisées donnant l'impression de vagues.
Cette description est très sommaire 
de ce que peut être une mosquée de prestige.
Les autres types de mosquée,
plus elles s'éloignent du standing décrit ci-dessus,
plus elles se trouvent réduites à de simples bâtisses
dont la fonction principale est de permettre aux croyants
de faire leurs prières quotidiennes, à l'abri des intempéries,
et d'écouter la khoutba ou sermon à l'occasion de chaque vendredi ou des fêtes religieuses.
La mosquée sidi messoud est de ce genre:
un portail en arcade dite sbaey,
c'est-à-dire construite sur la base d'un cercle
dont le diamètre horizontal 
est divisé en sept segments égaux,
l'ouverture du campas laissant tomber un segment,
deux arcs de cercles se rencontrent en pointe 
sur le cercle de base,
ce qui donne à l'arcade cette forme 
légèrement pointue dite ogive douce.
La porte en deux battants est composée de planches
en bois taillées grâce à des outils artisanaux.
Des clous à tête sphérique forment 
le seul canevas de décoration.
Le sol du hall d'entrée est légèrement incliné
et conduit vers la partie centrale de la mosquée.
Des piliers à section carrée chanfreinée,
émergent du sol sans socle à la base,
ni chapiteau au sommet.
Seul un simple dégradé indique le départ de l'arcade
du même style que celle du portail d'entrée.
Les plafonds limités par les arcades sont rectangulaires
et revêtus d'une gayza en bois 
constituée de chevrons et planches vernis
couleur marron sans le moindre ciselage.
Le mihrab est une cavité toute modeste.
Les sols sont en dess couleur beige
sur lesquels sont étendues des nattes en matière végétale
couleur nature, en guise de tapis pour la prière.
La présentation de la mosquée Sidi Messoud,
sommaire certes, a pour but de situer le cadre spatial
de l'école coranique où j'ai passé
une partie de ma première enfance.
Tout d'abord l'école coranique se trouvait
à la terrasse de la mosquée Sidi Messoud.
Pour y accéder, il faut entrer par le portail 
et traverser le hall.
Un escalier, immédiatement à droite,
conduisait vers la terrasse. 
Il était revêtu de dess beige,
avec des nez de marches en chevrons de bois 
arrondis au bord pour ne pas blesser les pieds,
car les élèves avaient l'habitude de venir pieds nus,
soit par tradition, soit par nivellement social
pour éviter toute discrimination quelconque.
arrivé à la terrasse, on trouvait l'école proprement-dite,
qui était un espace tout simple,
tout modeste, plus modeste que la mosquée;
cet espace était revêtu de dallage dess beige
tout craquelé par les intempéries,
sur lequel des nattes étaient étendues
pour permettre aux élèves de s'assoir accroupis
tenant sur les genoux,les pieds croisés,
une planche qui servait de tablette pour lire en premier stade,
et en second stade, pour apprendre à écrire.
l'encre était une sorte de liquide noirâtre,
appelé smekh, fabriqué au souk.
chaque fois que le contenu fut appris par cœur
et récité à haute voix devant le maître sy brahim,
les élèves lavaient les planches à l'aide de l'eau
et un produit d'argile bleuâtre, dit sensal.
j'avais quitté la garderie de sy mekki
immédiatement après le décès de ma petite soeur halima;
c'était une simple coïncidence.
ma tante lalla yaqut fut chargée de m'emmener
à l'école coranique de sidi messoud;
de même elle avait la charge de me récupérer
chaque fois que le muézin annonçait la prière du dohr;
à la différence du régime de la garderie
qui ne comprenait qu'une demie journée chez sy mekki,
à l'école coranique, lalla yaqut se devait de m'emmener
une seconde fois, l'après-midi, et de me ramener à la maison,
une heure passée après la prière du asr,
environ vers cinq heures. à signaler qu'à cette époque,
l'horaire GMT n'était pas appliqué dans l'espace social traditionnel;
c'était l'horaire local dit hassani.
les femmes n'étaient pas autorisées à pénétrer
dans l'enceinte de la mosquée;
du fait ma tante me confia à un élève plus âgé que moi,
fils de notre voisin, maallem abbas;
cet élève, de prénom ahmed, était autorisé par son père
à aller tout seul à l'école coranique;
il emmenait avec lui son frère mustafa
qui avait environs le même âge que moi.
la première fois, ce fut dur pour moi,
mais ahmed, grâce à son sourire et sa douceur,
sut me tranquilliser, quoique j'avais les larmes plein les yeux.
j'avais l'habitude d'escalader les escaliers de notre maison,
du fait ceux de l'école ne me posèrent aucune difficulté.
arrivé en haut de la terrasse,
je fis pour la première fois connaissance du maître d'école,
sy brahim qui était en même temps l'imam de la mosquée.
sy brahim était un homme âgé,
dépassant largement la soixantaine;
il avait deux beaux yeux dont la pupille était noir clair,
et la rétine était d'une blancheur sans faille.
les mouvements de sa tête m'intriguèrent;
mustafa qui avait déjà fréquenté l'école de quelques semaines avant moi,
m'informa que sy brahim ne voyait pas, c'est-à-dire qu'il était aveugle;
c'était la première fois que je me trouvai en face d'un aveugle,
et en plus avec des yeux ouverts qui ne laissaient pas deviner la cécité.
sy brahim était habillé en blanc,
et portait un turban de la même couleur que les vêtements.
il était assis, les pieds croisés,
le dot contre mur. autour de lui, en demi-cercle,
des élèves tous âges confondus, étaient assis,
eux aussi les pieds croisés, chacun tenait une tablette en bois, récitant à haute voix le contenu de sa planche.
ahmed se pencha doucement sur sy brahim,
mettant la bouche tout près de l'oreille du maître,
et lui murmura je ne sus quoi,
je compris juste que sy brahim m'accepta dans son groupe d'élèves.
la peau de sy brahim était blanche, 
il avait les joues rose clair; on ne voyait pas ses dents quand il parlait, 
mais sa voix était douce et agréable.
la plupart du temps, il observait un silence de méditation,
on voyait juste ses lèvres balbutier on ne savait quels versets du quran.
ce premier jour, je n'avait pas droit à une tablette, 
ce qui m'avait permis d'observer le comportement du groupe.
le jour suivant, ahmed me remit une tablette 
sur laquelle la fatiha était toute tracée; 
sy mekki m'avait bien appris auparavant l'alphabet arabe,
selon le script coranique, je n'eus pas donc d'obstacle
pour passer directement au stade de la lecture de la fatiha.
la première saison scolaire était achevée; 
j'avais appris deux des soixante hizb ou tranches du Saint Quran; 
mais je n'étais pas autorisé à écrire le moindre mot, 
compte tenu de mon jeune âge, 
je venais juste de terminer ma quatrième année.
durant cette saison scolaire, 
je n'avais jamais entendu sy brahim gronder,
ni l'avoir vu frapper un élève.
sy brahim était très respecté par ses élèves,
grands et petits, il était aimé par tout le groupe.
nos pères le consultaient sur des questions religieuses,
sy brahim leur donnait des conférences 
pendant les nuits sacrées du ramadan,
et souvent même des nuits ordinaires.
nos pères prenaient en charge , 
sans exception, tout ce dont sy brahim avait besoin. 
sy brahim était aimé par les habitants de tout le quartier arst ihiri.
la saison d'après, mon père prit la décision de m'inscrire 
à l'école du pacha pour affronter un nouveau régime scolaire, 
un nouveau monde, complètement différent 
de ce que j'avais vécu jusqu'à l'âge de quatre ans.
la prochaine feuille d'enfance tentera 
de relater le vécu durant mon séjour dans cette école.
  hamid albachir almakki
le 24/05/09