mercredi 4 mai 2016

La boutique garderie

La boutique garderie

Derb sidi messaoud fait partie du quartier Arst Ihiri 
qu'on peut qualifier comme le quartier carrefour 
qui lie Bab Doukkala et Riad Laarouss, d'un côté,
et de l'autre côté, le quartier Bab Doukkala 
au quartier Zaouya. 
Pour y accéder, il y a plusieurs possibilités, 
compte tenu de la trame en labyrinthe 
de l'urbanisme de la médina de Marrakech, 
résultat d'une évolution presque spontanée 
de cette ville vieille de plus de mille ans.
Le chemin que fréquentait mon père 
pour se rendre à la ville europèenne, 
était Derb Sidi Messaoud,
via Boutouil via bab Doukkala.
C'était le même trajet qu'il effectuait,
soit pour se rendre au petit marché, 
dit Souiqa Bab Doukkala, 
en vue acheter des légumes, fruits, viandes, 
et autres aliments nécessaires et suffisants 
pour couvrir les besoins de la semaine.
Ce même chemin lui servait pour aller au hammam.
Sy Mekki est un petit commerçant 
qui gérait une toute petite boutique, 
large d'à peine un mètre soixante, 
et dont la profondeur n'excédait guère 
un mètre quatre-vingt.
La porte de ce local était du genre traditionnel, 
avec deux battants, 
l'un se rabattait vers le sol 
et servait de remonte-pieds 
chaque fois que Sy Mekki voulait, 
soit entrer, soit sortir de sa boutique, 
un bout de cordon accroché au plafond 
l'aidait à garder son équilibre, 
pour effectuer cette opération. 
Sy Mekki levait le second battant vers le haut
et s'en servait comme auvent 
protégeant la boutique du soleil et de la pluie.
A l'intérieur, il y avait quelques planches,
légèrement inclinées vers le bas, 
pour servir d'étalage, 
aux quelques pins de sucre, et sacs de thé 
que sy mekki avait comme seuls marchandises 
à vendre en détail.
Sy Mekki était toujours habillé d'une robe bleue,
appelée en dialecte marocain tchamir,
il ne portait sa djellaba, l'équivalent d'un manteau,
qu'en dehors de sa boutique,
quand il voulait se rendre à la mosquée de sidi messaoud,
proche de quelques minutes,
et ce, seulement pour effectuer les trois prières
du dohr, asr et maghrib.
Pour les deux autres prières, celle du fajr et celle du icha,
Sy Mekki les exécutait dans la mosquée 
toute proche de son lieu de résidence,
laquelle se situait loin du quartier Arst Ihiri.
Un autre détail de la tenue vestimentaire de Sy Mekki,
est son couvre-chef, un turban en tissu blanc 
que sy mekki s'appliquait toujours 
à le maintenir en forme dite soussi, 
car il était fière de son pays natal 
auquel il se rendait régulièrement 
pendant les fêtes religieuses du Fitr, 
à la fin du moi de Ramadan, le mois sacré du jeûne,
et la fête de Aid Aladha qui consiste à égorger, 
en offrande, un mouton conformément à la charia.
Un dernier détail vestimentaire se référait 
à des sandales en cuir en style artisanal,
 fabriquées spécialement au souk traditionnel d'Agadir, 
et que Sy Mekki portait durant les quatre saisons.
Cette paire de sandales, appelées tamqacharte
subissait, de temps à autre, 
une légère réfection par les soins propres de sy mekki.
A signaler enfin que Sy Mekki était 
d'une propreté exemplaire.
Aucun étonnement, 
puisqu'il faisait ses ablutions avec rigueur,
cinq fois par jour.
Sa tête, ses mains, ses pieds, sentaient l'eau de rose.
Après cette longue entrée en matière,
quel rapport y a-il entre la personne de Sy Mekki,
sa boutique et la garderie?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, 
Sy Mekki acceptait de garder, dans sa boutique,  
trois bambins, pas plus,
d'à peine trois ans d'âge.
Il leurs apprenait l'alphabet arabe et la Fatiha,
première sourat du Saint Quran.
Une fois cet objectif atteint, 
Sy Mekki recommandait aux parents
d'inscrire leur bambin, 
à l'école coranique de sidi messaoud.
Ainsi Sy Mekki recevait un autre triplet d'enfants 
de trois ans, 
pour leur administrait la même recette.
Un beau matin, alors que je venais à peine
de terminer mes trois ans,
ma mère, sur ordre de mon père,
me remettait à ma tante yaqute.
Cette dernière me conduisit chez Sy Mekki
qui fut informé la veille par mon père
que je viendrais apprendre le mystérieux alphabet.
Ma tante me remit au bonhomme d'un coup sec 
et disparut sans hésiter un instant. 
La peure me saisit et j'éclatai en sanglots.
Mais très vite je remarquai deux autres bambins
assis à côté de moi, 
tenant chacun à la main, 
une petite planche barbouillée 
avec je ne savais quelle matière, 
couleur dattes mures.
Le fait de voir les deux enfants calmes
me toucha et me poussa à cesser
de pleurer, surtout que, Si Mekki,
avec un sourire angélique, 
me donna un petit morceau de sucre, pour m'apaiser.
A l'approche de la prière du Dohr,
ma tante yaqute vint me récupérer, 
pour me conduire tout près de ma mère, 
à qui je fis une petite scène de pleurs,
pour lui signifier que je ne voulais plus retourner en ce lieu.
Le lendemain l'opération se répéta comme la veille,
je compris alors qu'avec Sy Mekki,
j'aurais un long moment avant de m'en séparer.
Je fréquentais la boutique-garderie de sy mekki 
durant toute une saison. 
A préciser que je restais uniquement la matinée,
l'après-midi je jouais avec ma petite sœur cadette halima.
Ma tante yaqute qui m'accompagnait 
régulièrement chaque matin sans faille,
remettait à sy mekki,
un petit panier en roseau décoré 
où se trouvait mon casse-croute, 
un bout de pain avec quelque grains de poix-chiche. 
Elle savait que sy mekki donnait du sucre 
et de l'eau aux trois bambins. 
et pour cela, Sy Mekki était si généreux.
Les deux bambins qui me tenaient compagnie
dans la boutique-garderie
s'appelaient, le premier, Mustafa, fils de notre voisin,
maallem Abbas maçon, 
et l'autre, Abdelkebir, fils aussi d'un autre voisin,
maallem Abdelkader, cordonnier.
A cause des péripéties de la vie de tout un chacun,
j'avais perdu les traces de Mustafa.
Par contre, je sus que Abdelkbir avait longtemps vécu
aux Pays-bas, puis émigra en Australie.
Cette feuille d'enfance a atteint son objectif,
je l'espère du moins.
je la dédie à la mémoire de Sy Mekki
que Allah le bénisse par Sa miséricorde
et Son pardon amen.
hamidalbachir
10/05/09

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