les marmites de lalla zahra
la place riad alarouss est un
carrefour où convergent
cinq artères à travers
lesquelles l'on peut atteindre
toutes les portes de la médina
de Marrakech,
tous les centres commerciaux,
et principalement souk
sammarine,
toutes les mosquées et
notamment la koutoubia.
cette place peut aussi nous
mener vers les sept saints de la ville.
l'artère qui conduit vers bab
doukkala permet de déboucher
vers la ville dite
"européenne à l'époque coloniale".
l'artère qui mène vers la place
jamae fna,
permet, elle aussi de nous conduire vers
"la ville européenne"
par le biais de "l'avenue mangin",
l'actuelle avenue mohamed V.
l'origine de riad alarouss
remonte probablement à l'époque de la dynastie almohade.
il est aussi probable que l'un
des septs saints,
du nom de abou amr el malqi, ou
en langage courant,
sidi bouemer, est le fondateur
de tout le quartier
qui, du reste porte le nom de ce saint:
la mosquée, le mausolée, la
fontaine.
le quartier riad alarouss a
évolué depuis sa création;
il a aussi subit des
transformations
et surtout des dégradations.
000
lalla zahra est une femme très
réputée à riad alarouss
par le commerce qu'elle exerce;
elle vent des soupes, bien sûr
traditionnelles, dites hariras,
à base de céréales: blé, orge
et maïs.
chaque matin, lalla zahra
s'installe
en face de la fontaine riad
alarouss,
un merveilleux monument de
style andalous
qui abrite trois fontaines;
l'une des trois fontaines est
reservée
aux besoins en eau potable des
personnes et des foyers,
la seconde pour les chevaux et
les calèches,
et la dernière pour les mulets,
les ânes et les charrettes.
l'eau puisée des fontaines est
gratuite,
garantie par le waqf créé par
abou amr elmalqi.
chaque matin à l'aube, lalla
zahra s'installe à proximité du cimetière
qui porte le nom de sidi
bouameur
et auquel elle tourne le dos.
le cimetière est limité par une
clôture en pisée,
pas plus haute d'un mètre.
la mousse des temps a
complètement ravagé cette clôture.
lalla zahra a choisit cet
endroit stratégique, en face des fontaines;
elle contrôle ainsi le trafic
routier qui emprunte le carrefour.
elle s'assoie sur un banc en
bois fabriqué à la mesure de sa corpulence.
c'est que lalla zahra, la
cinquante d'âge bien consommée,
est une femme forte, bien
charpentée et bien bâtie.
elle est originaire de foum
lahcen,
à l'extrême limite de la région
de dràa.
ses ancêtres font partie de la
tribu touareg, appelés hommes bleus.
d'ailleurs la tenue
vestimentaire de lalla zahra est significative:
l'ensemble des vêtements sont
de couleur
variant du bleu nuit au bleu
ciel;
les ficelles d'attache sont
d'un bleu foncé;
les articles d'embellissement
sont en argent massif.
lalla zahra porte de gros
bracelets en argent.
elle porte aussi des anneaux du
même métal qui lui traversent
les oreilles par deux trous que
le temps a bien élargis.
les traits du visage de lalla
zahra sont bien ciselés;
ils sont mis en relief par des
cosmétiques traditionnels,
le khol noir couvre les cils en
débordant sur les paupières;
la souaka donne aux lèvres
charnues un teint chocolat foncé;
sa poitrine est bien remplie
obligeant les vêtements
de dessiner les seins en
dévoilant leur contour.
le regard de lalla zahra,
perçant comme celui d'une louve,
attirant comme celui d'une fée,
impose néanmoins un respect
qui la protège des regards
indiscrets.
lalla zahra est très respectée
par la gente du quartier
sidi bouameur et par les
passants qui animent le carrefour.
000
lalla zahra place trois
marmites devant elle, à portée de main;
chaque marmite est stabilisée
sur un brasier
dont le feu de charbon de bois
permet de maintenir les soupes à chaud.
la marmite qui renferme la
harira de blé est installée au centre,
les deux autres sont placées de
part et d'autre de la marmite centrale.
celle qui contient la soupe
d'orge se trouve à droite,
et celle qui renferme la soupe
de maïs à gauche.
au-delà des marmites, deux
bancs en bois sont allongés,
permettant à un nombre limité
de clients de s'assoir
pour boire tranquillement leur
soupe préférée;
les autres consommateurs
restent debout,
en formant un arc de cercle,
derrière les bancs.
à droite des marmites, se
trouve un seau rempli d'eau
qui sert au lavage des bols en
terre cuite;
à gauche, un second seau
contient de l'eau propre
que lalla zahra ajoute chaque
fois que le niveau de la soupe
dans une marmite diminue d'une manière notable ;
en même temps lalla zahra
ajoute de la farine, de l'huile d'olive
et des ingrédients, sel, cumin,
piment rouge et poivre
afin de respecter le dosage et
faire garder à la soupe son onctuosité
et son goût tellement appréciés
par les clients fidèles
qui viennent de tous bords,
chaque matin à partir de l'aube,
afin de se délecter de ce
breuvage délicieux.
lalla zahra se sert de grandes
louches pour remplir les bols.
un seul coup de louche suffit
pour remplir un bol
que lalla zahra tend à l'un des
clients.
elle peut y ajouter une
cuillerée d'huile d'olive supplémentaire
à la demande de certains
clients.
000
à cette époque, je fréquente
l'école du pacha, en compagnie
d'un groupe d'élèves, une
dizaine de bambins environs.
le trajet à pieds est agréable,
car l'artère fréquentée,
du quartier arst ihiri à
l'école, via riad alarouss, est très animée
par le trafic intense des
piétons, des charrettes, des calèches;
les véhicules automobiles sont
peu utilisés,
ainsi que les vélos dont la
jante est entourée par un bandage
à base de rondelles en
caoutchouc.
quand notre groupe atteind le
carrefour,
il s"empresse d'aller chez
lalla zahra pour goûter à ses soupes.
moi personnellement j'aime la
harira de farine de blé;
elle contient des fèves et des
pois-chiches: c'est un délice!!!
le ventre bien plein, nous
prenons le chemin de l'école,
en pressant le pas pour ne pas
arriver en retard.
000
durant tout le parcours de ma
vie,
je n'ai jamais oublié lalla
zahra et ses marmites.
je garde en moi encore, avec
une certaine nostalgie,
l'image ancrée des cette époque
inoubliable.
hamid albachir almakki
21juin 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire