jeudi 5 mai 2016

Les marmites de Lalla Zahra

 les marmites de lalla zahra

la place riad alarouss est un carrefour où convergent
cinq artères à travers lesquelles l'on peut atteindre
toutes les portes de la médina de Marrakech,
tous les centres commerciaux,
et principalement souk sammarine,
toutes les mosquées et notamment la koutoubia.
cette place peut aussi nous mener vers les sept saints de la ville.
l'artère qui conduit vers bab doukkala permet de déboucher
vers la ville dite "européenne à l'époque coloniale".
l'artère qui mène vers la place jamae fna,
permet, elle aussi de nous conduire vers
"la ville européenne" par le biais de "l'avenue mangin",
l'actuelle avenue mohamed V.
l'origine de riad alarouss remonte probablement à l'époque de la dynastie almohade.
il est aussi probable que l'un des septs saints,
du nom de abou amr el malqi, ou en langage courant,
sidi bouemer, est le fondateur de tout le quartier
qui, du reste porte le nom de ce saint:
la mosquée, le mausolée, la fontaine.
le quartier riad alarouss a évolué depuis sa création;
il a aussi subit des transformations
et surtout des dégradations.
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lalla zahra est une femme très réputée à riad alarouss
par le commerce qu'elle exerce;
elle vent des soupes, bien sûr traditionnelles, dites hariras,
à base de céréales: blé, orge et maïs.
chaque matin, lalla zahra s'installe
en face de la fontaine riad alarouss,
un merveilleux monument de style andalous
qui abrite trois fontaines;
l'une des trois fontaines est reservée
aux besoins en eau potable des personnes et des foyers,
la seconde pour les chevaux et les calèches,
et la dernière pour les mulets, les ânes et les charrettes.
l'eau puisée des fontaines est gratuite,
garantie par le waqf créé par abou amr elmalqi.
chaque matin à l'aube, lalla zahra s'installe à proximité du cimetière
qui porte le nom de sidi bouameur
et auquel elle tourne le dos.
le cimetière est limité par une clôture en pisée,
pas plus haute d'un mètre.
la mousse des temps a complètement ravagé cette clôture.
lalla zahra a choisit cet endroit stratégique, en face des fontaines;
elle contrôle ainsi le trafic routier qui emprunte le carrefour.
elle s'assoie sur un banc en bois fabriqué à la mesure de sa corpulence.
c'est que lalla zahra, la cinquante d'âge bien consommée,
est une femme forte, bien charpentée et bien bâtie.
elle est originaire de foum lahcen,
à l'extrême limite de la région de dràa.
ses ancêtres font partie de la tribu touareg, appelés hommes bleus.
d'ailleurs la tenue vestimentaire de lalla zahra est significative:
l'ensemble des vêtements sont de couleur
variant du bleu nuit au bleu ciel;
les ficelles d'attache sont d'un bleu foncé;
les articles d'embellissement sont en argent massif.
lalla zahra porte de gros bracelets en argent.
elle porte aussi des anneaux du même métal qui lui traversent
les oreilles par deux trous que le temps a bien élargis.
les traits du visage de lalla zahra sont bien ciselés;
ils sont mis en relief par des cosmétiques traditionnels,
le khol noir couvre les cils en débordant sur les paupières;
la souaka donne aux lèvres charnues un teint chocolat foncé;
sa poitrine est bien remplie obligeant les vêtements
de dessiner les seins en dévoilant leur contour.
le regard de lalla zahra, perçant comme celui d'une louve,
attirant comme celui d'une fée, impose néanmoins un respect
qui la protège des regards indiscrets.
lalla zahra est très respectée par la gente du quartier
sidi bouameur et par les passants qui animent le carrefour.
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lalla zahra place trois marmites devant elle, à portée de main;
chaque marmite est stabilisée sur un brasier
dont le feu de charbon de bois permet de maintenir les soupes à chaud.
la marmite qui renferme la harira de blé est installée au centre,
les deux autres sont placées de part et d'autre de la marmite centrale.
celle qui contient la soupe d'orge se trouve à droite,
et celle qui renferme la soupe de maïs à gauche.
au-delà des marmites, deux bancs en bois sont allongés,
permettant à un nombre limité de clients de s'assoir 
pour boire tranquillement leur soupe préférée;
les autres consommateurs restent debout,
en formant un arc de cercle, derrière les bancs.
à droite des marmites, se trouve un seau rempli d'eau
qui sert au lavage des bols en terre cuite;
à gauche, un second seau contient de l'eau propre
que lalla zahra ajoute chaque fois que le niveau de la soupe
dans une marmite diminue d'une manière notable ;
en même temps lalla zahra ajoute de la farine, de l'huile d'olive
et des ingrédients, sel, cumin, piment rouge et poivre
afin de respecter le dosage et faire garder à la soupe son onctuosité
et son goût tellement appréciés par les clients fidèles
qui viennent de tous bords, chaque matin à partir de l'aube,
afin de se délecter de ce breuvage délicieux.
lalla zahra se sert de grandes louches pour remplir les bols.
un seul coup de louche suffit pour remplir un bol
que lalla zahra tend à l'un des clients.
elle peut y ajouter une cuillerée d'huile d'olive supplémentaire
à la demande de certains clients.
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à cette époque, je fréquente l'école du pacha, en compagnie
d'un groupe d'élèves, une dizaine de bambins environs.
le trajet à pieds est agréable, car l'artère fréquentée,
du quartier arst ihiri à l'école, via riad alarouss, est très animée
par le trafic intense des piétons, des charrettes, des calèches;
les véhicules automobiles sont peu utilisés,
ainsi que les vélos dont la jante est entourée par un bandage
à base de rondelles en caoutchouc.
quand notre groupe atteind le carrefour,
il s"empresse d'aller chez lalla zahra pour goûter à ses soupes.
moi personnellement j'aime la harira de farine de blé;
elle contient des fèves et des pois-chiches: c'est un délice!!!
le ventre bien plein, nous prenons le chemin de l'école,
en pressant le pas pour ne pas arriver en retard.
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durant tout le parcours de ma vie,
je n'ai jamais oublié lalla zahra et ses marmites.
je garde en moi encore, avec une certaine nostalgie,
l'image ancrée des cette époque inoubliable.
hamid albachir almakki
21juin 2010


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