lundi 21 novembre 2016

Une princesse dans l'aquarium

une princesse à l'aquarium

un animal domestique devient vite malheureux, 
sombre dans la tristesse,
risque même de démissionner de la vie,
quand son maître ou sa maîtresse l'abandonne.
c'est qu'il s'attache trop à la personne qui l'a élevé,
prend soin de lui, partage avec lui son univers.
il a donc besoin de se sentir en sécurité.
et c'est tout à fait normal!
le regard tendre, la voix douce, la main caressante,
l'animal domestique en sait quelque chose;
son affectif se nourrit de cette sève.
certaines personnes sont piquées par la mode 
de s'approprier un animal;
un chien, un chat, un oiseau, voir même un boa ou un crocodile.
mais elles n'ont ni le savoir, ni le temps, ni le sens du devoir,
pour s'occuper de cet être qui a le droit de vivre dignement.
par ailleurs, certaines associations luttent
pour le droit des animaux à rester en liberté.
elles considèrent que la captivité est un crime qu'il faut punir.
moi personnellement je me positionne à mi-chemin,
dans ce sens qu'on peut héberger, je dis bien héberger,
chez-soi un animal, à condition de lui offrir
toutes les conditions nécessaires à sa vie normale.
le débat sur ce sujet restera à jamais ouvert,
à ce qu'il me semble!
000
il y a quelques années, je me procurai sept poissons rouges
que j'avais installés dans un aquarium cinq étoiles très bien équipé.
je m'étais engagé de les servir comme des princesses:
* le recyclage automatique de l'eau;
* l'oxygénation permanente du milieu aquatique;
* l'injection de produits empêchant toute prolifération de matière organique;
* l'alimentation saine et équilibrée.
mes sept princesses évoluaient normalement, augmentaient de poids;
elles jouaient entre elles du matin au soir;
elles faisaient des rondes à l'intérieur de l'aquarium, 
se cachaient derrière les plantes vertes,
fouillaient dans les coquillages 
qui parsemaient le fond de l'aquarium.
mais avec le temps, leurs mouvements devenaient de plus en plus lents;
leurs couleurs devenaient de plus en plus ternes.
et pourtant, je faisais attention à la qualité 
et à la salubrité de leur milieu ambiant.
dans ma ville natale, il n'y avait pas de vétérinaire 
spécialiste des animaux d'aquarium.
alors que faire?
le marchand qui me fournissait les produits d'alimentation et d'entretien
n'avait qu'un seul discours stupide et énervant:
"tes poissons ont pris un coups de vieux, il faut les remplacer!"
lui, son seul souci était de faire tourner sa baraque:
"vendre plus de poissons de produits et d'articles."
je ne m'étais pas plié à son avis.
j'avais voulu tenté l'impossible.
mais au fil des temps, mes poissons rouges
commençaient à expirer une après l'autre.
sauf une seule qui avait pu résister à l'agonie.
"mais comment peut-elle supporter la solitude?" disais-je.
un beau matin, je m'approchai de très près de la parois de l'aquarium,
au point de coller complètement mon visage contre.
surprise!
ma princesse s'approcha elle aussi
en apposant sa bouche sur le bout de mon nez;
seule l'épaisseur de la parois nous empêchait le contact direct.
je collai ensuite la paume de ma main droite sur le vitrage translucide,
et du coup je remarquai que ma princesse fut mise de travers
en collant son flanc contre le vitrage, côté intérieur.
je commençai à caresser le vitrage à l'aide de ma paume;
je remarquai que ma princesse faisait le gros dot comme une chatte:
" c'est ahurissant!...invraisemblable!..."
depuis ce matin, j'ai décidé d'offrir à ma princesse,
chaque jour avant de partir à mon boulot,  
quelques caresses à travers le vitrage;
ayant pris conscience qu'elle en avait besoin.
avec le temps, ma princesse commençait à prendre goût à la vie.
elle devenait de plus en plus active, vivace, joyeuse.
son teint devenait de plus en plus brillant;
toute la palette de ses couleurs, du blanc au rouge, 
en passant par le jaune, l'orange, reprenait de la lumière.
je compris alors que ma princesse avait un besoin vital 
d'affection pour s'accrocher à la vie.
cette relation affective entre elle et moi avait duré plus d'une année.
jusqu'au jour où, en revenant de mon travail, je remarquai
qu'elle ne répondit plus à mon appel.
" qu'est-ce qu'elle a" me demandai-je?.
je fis le tour de l'aquarium, tentant de l'approcher.
elle ne quitta pas le centre de l'aquarium;
à vrai dire, elle ne pouvait plus le quitter.
elle ne faisait plus que remonter en surface,
pour qu'ensuite sombrer au fond.
je compris vite qu'elle souffrait d'un quelconque mal.
j'enlevai le couvercle de l'aquarium;
je plongeai ma main;
et sans gêne, j'attrapai ma princesse,
avec précaution et délicatesse.
elle ne fit aucune résistance, bien au contraire,
elle s'allongea dans le creux de ma main. elle bougeait à peine.
j'approchai doucement mes lèvres au point d'effleurer sa bouche.
en éloignant un peu ma tête de son corps,
je remarquai une certaine paix qui se dégageait à travers son regard froid.
je la remis aussitôt dans l'eau.
elle sombra très vite profondément pour ne plus remonter.
elle ne bougea plus.
ma princesse avait bel et bien rendu l'âme.
je la repêchai du fond de l'aquarium.
je l'allongeai sur un morceau d'étoffe blanche que j'enroulai ensuite.
quelques instants après, j'enterrai ma princesse au pied d'un olivier.
 la roue du temps tournait; 
les jours défilaient.
un beau matin de printemps, je remarquai une fleur,
 aux couleurs rouge, orange et jaune, avait poussé au pied de l'olivier,
à l'endroit même où ma princesse dormait.
j'avais pris l'habitude de rendre visite à la tombe de ma princesse;
je me tenais debout, un court instant, devant l'olivier, les yeux mis clos.
j'avais toujours éprouvé une certaine conviction
que ma princesse sentait ma présence;
souvent j'avais l'impression
qu'elle m'effleurait le visage pour me signifier
qu'elle pensait toujours à moi.
quant à l'aquarium, je l'avais nettoyé de tout son contenu.
je l'avais rangé dans un débarras
pour ne plus oser y héberger un nouveau pensionnaire.
000
cet aquarium restera à jamais propriété privée
de ma princesse;
il ne sera jamais ni cédé, ni loué ou prêté.
000
hamid albachir almakki
juin 2010



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