une princesse
à l'aquarium
un animal
domestique devient vite malheureux,
sombre dans la tristesse,
risque même de
démissionner de la vie,
quand son
maître ou sa maîtresse l'abandonne.
c'est qu'il
s'attache trop à la personne qui l'a élevé,
prend soin de
lui, partage avec lui son univers.
il a donc
besoin de se sentir en sécurité.
et c'est tout
à fait normal!
le regard
tendre, la voix douce, la main caressante,
l'animal
domestique en sait quelque chose;
son affectif
se nourrit de cette sève.
certaines
personnes sont piquées par la mode
de s'approprier un animal;
un chien, un
chat, un oiseau, voir même un boa ou un crocodile.
mais elles
n'ont ni le savoir, ni le temps, ni le sens du devoir,
pour s'occuper
de cet être qui a le droit de vivre dignement.
par ailleurs,
certaines associations luttent
pour le droit
des animaux à rester en liberté.
elles
considèrent que la captivité est un crime qu'il faut punir.
moi
personnellement je me positionne à mi-chemin,
dans ce sens
qu'on peut héberger, je dis bien héberger,
chez-soi un
animal, à condition de lui offrir
toutes les
conditions nécessaires à sa vie normale.
le débat sur
ce sujet restera à jamais ouvert,
à ce qu'il me
semble!
000
il y a
quelques années, je me procurai sept poissons rouges
que j'avais
installés dans un aquarium cinq étoiles très bien équipé.
je m'étais
engagé de les servir comme des princesses:
* le recyclage
automatique de l'eau;
*
l'oxygénation permanente du milieu aquatique;
* l'injection
de produits empêchant toute prolifération de matière organique;
*
l'alimentation saine et équilibrée.
mes sept
princesses évoluaient normalement, augmentaient de poids;
elles jouaient
entre elles du matin au soir;
elles
faisaient des rondes à l'intérieur de l'aquarium,
se cachaient derrière les
plantes vertes,
fouillaient
dans les coquillages
qui parsemaient le fond de l'aquarium.
mais avec le
temps, leurs mouvements devenaient de plus en plus lents;
leurs couleurs
devenaient de plus en plus ternes.
et pourtant,
je faisais attention à la qualité
et à la salubrité de leur milieu ambiant.
dans ma ville
natale, il n'y avait pas de vétérinaire
spécialiste des animaux d'aquarium.
alors que
faire?
le marchand
qui me fournissait les produits d'alimentation et d'entretien
n'avait qu'un
seul discours stupide et énervant:
"tes
poissons ont pris un coups de vieux, il faut les remplacer!"
lui, son seul
souci était de faire tourner sa baraque:
"vendre
plus de poissons de produits et d'articles."
je ne m'étais
pas plié à son avis.
j'avais voulu
tenté l'impossible.
mais au fil
des temps, mes poissons rouges
commençaient à
expirer une après l'autre.
sauf une seule
qui avait pu résister à l'agonie.
"mais
comment peut-elle supporter la solitude?" disais-je.
un beau matin,
je m'approchai de très près de la parois de l'aquarium,
au point de
coller complètement mon visage contre.
surprise!
ma princesse
s'approcha elle aussi
en apposant sa
bouche sur le bout de mon nez;
seule
l'épaisseur de la parois nous empêchait le contact direct.
je collai
ensuite la paume de ma main droite sur le vitrage translucide,
et du coup je
remarquai que ma princesse fut mise de travers
en collant son
flanc contre le vitrage, côté intérieur.
je commençai à
caresser le vitrage à l'aide de ma paume;
je remarquai
que ma princesse faisait le gros dot comme une chatte:
" c'est
ahurissant!...invraisemblable!..."
depuis ce
matin, j'ai décidé d'offrir à ma princesse,
chaque jour avant de partir à mon boulot,
quelques caresses à travers le vitrage;
ayant pris conscience qu'elle en avait besoin.
avec le temps,
ma princesse commençait à prendre goût à la vie.
elle devenait
de plus en plus active, vivace, joyeuse.
son teint
devenait de plus en plus brillant;
toute la
palette de ses couleurs, du blanc au rouge,
en passant par le jaune, l'orange,
reprenait de la lumière.
je compris
alors que ma princesse avait un besoin vital
d'affection pour s'accrocher à la
vie.
cette relation
affective entre elle et moi avait duré plus d'une année.
jusqu'au jour
où, en revenant de mon travail, je remarquai
qu'elle ne répondit
plus à mon appel.
"
qu'est-ce qu'elle a" me demandai-je?.
je fis le tour
de l'aquarium, tentant de l'approcher.
elle ne quitta
pas le centre de l'aquarium;
à vrai dire,
elle ne pouvait plus le quitter.
elle ne
faisait plus que remonter en surface,
pour
qu'ensuite sombrer au fond.
je compris
vite qu'elle souffrait d'un quelconque mal.
j'enlevai le
couvercle de l'aquarium;
je plongeai ma
main;
et sans gêne,
j'attrapai ma princesse,
avec
précaution et délicatesse.
elle ne fit
aucune résistance, bien au contraire,
elle
s'allongea dans le creux de ma main. elle bougeait à peine.
j'approchai
doucement mes lèvres au point d'effleurer sa bouche.
en éloignant
un peu ma tête de son corps,
je remarquai
une certaine paix qui se dégageait à travers son regard froid.
je la remis
aussitôt dans l'eau.
elle sombra
très vite profondément pour ne plus remonter.
elle ne bougea
plus.
ma princesse
avait bel et bien rendu l'âme.
je la repêchai
du fond de l'aquarium.
je l'allongeai
sur un morceau d'étoffe blanche que j'enroulai ensuite.
quelques
instants après, j'enterrai ma princesse au pied d'un olivier.
la roue du
temps tournait;
les jours défilaient.
un beau matin
de printemps, je remarquai une fleur,
aux couleurs rouge, orange et
jaune, avait poussé au pied
de l'olivier,
à l'endroit
même où ma princesse dormait.
j'avais pris
l'habitude de rendre visite à la tombe de ma princesse;
je me tenais
debout, un court instant, devant l'olivier, les
yeux mis clos.
j'avais
toujours éprouvé une certaine conviction
que ma
princesse sentait ma présence;
souvent
j'avais l'impression
qu'elle
m'effleurait le visage pour me signifier
qu'elle
pensait toujours à moi.
quant à
l'aquarium, je l'avais nettoyé de tout son contenu.
je l'avais
rangé dans un débarras
pour ne plus
oser y héberger un nouveau pensionnaire.
000
cet aquarium
restera à jamais propriété privée
de ma
princesse;
il ne sera
jamais ni cédé, ni loué ou prêté.
000
hamid albachir almakki
juin 2010
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